Le silure

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Le silure glane (Silurus glanis L.) est le plus grand poisson des eaux continentales françaises. Il peut être à présent considéré comme acclimaté et en extension (Keith et Allardi 1997).

 

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Sa taille souvent spectaculaire (record de France homologué en 2006 : 2,46 m pour 106 kg ) et la multiplication des captures par les pêcheurs, amateurs ou professionnels, ne cesse de provoquer des polémiques. Depuis toujours, le silure glane inspire une certaine méfiance du fait de son aspect et des nombreuses légendes qui lui sont rattachées (le trait récurrent étant sa prétendue voracité).

Cependant, malgré un intérêt croissant pour ce poisson, peu de travaux lui sont consacrés.

 

I CLASSIFICATION SYSTEMATIQUE

 

Règne : Animal,

Embranchement : Vertébrés,

Classe : Actinoptérygiens,

Ordre : Siluriformes,

Famille : Siluridae,

Genre : Silurus,

Espèce : Silurus Glanis.

 

La famille de siluridae comprend 12 genres et une centaine d’espèces dans le monde.

L’Europe abrite un seul genre autochtone (Silurus ) avec 2 espèces ( S Glanis , la plus fréquente et S Aristotelis, confinée au nord-ouest de la Grèce). Les autres espèces sont essentiellement localisées en Asie Centrale et Asie du Sud-est.

 

 

II NOMS VERNACULAIRES

 

France : silure glane,

Espagne : siluro,

Italie : siluro ,

Grande Bretagne : wels catfish, sheatfish,

Allemagne : waller,

Pays Bas : meerval.

 

 

III MORPHOLOGIE ET ANATOMIE

 

Le corps du silure est allongé, de forme ovale, large et trapu dans sa partie antérieure, aminci et aplati latéralement dans sa partie postérieure. La nageoire dorsale, possédant 4 ou 5 rayons , est de très petite taille ,contrairement à la nageoire anale dont la longueur correspond aux 2/3 de la longueur corporelle totale. La nageoire anale est séparée de la nageoire caudale arrondie par une échancrure. Il n’y a pas de nageoire adipeuse (contrairement au poisson chat américain introduit dans nos eaux à la fin du 19 me siècle). Il présente également 2 nageoires pectorales ossifiées et très rigides situées près des fentes branchiales

La tête, large et aplatie dorso-ventralement, s’ouvre sur une bouche retrognathe, largement fendue. Elle est équipée, sur sa face dorsale de 2 petits yeux latéraux et de 2 paires de narines, et de 6 barbillons :

  • 2 grands, mobiles, situés sur la mâchoire supérieure, au dessus de la commissure labiale et en avant des yeux (peuvent mesurer jusqu’à 1/4 de la longueur du corps),
  • 4 plus petits sur la face inférieure de la mandibule ( les antérieurs étant plus courts que les postérieurs).

La cavité buccale est équipée de petites dents, recourbées vers l’intérieur. Elles sont situées sur les intermaxillaires, la mandibule, le vomer et les pharyngiens et forment de véritables râpes. Il possède enfin 2 petits yeux situés sur la partie supéro-latérale de la tête.

La vessie natatoire, gazeuse, de taille moyenne, est reliée directement à l’oreille interne par les osselets de Weber. Sa petite taille relative et le poids du squelette, font du silure un “ flotteur négatif” contrairement aux autres téléostéens.

La peau est nue, dépourvue d’écailles et recouverte d’un épais mucus. Sa coloration dorsale varie du brun, vert olive au noir, tandis que les flancs sont marbrés et le ventre blanchâtre. Des spécimens albinos ou de couleur cannelle sont apparus récemment.

 

 

IV REPARTITION

 

Au niveau eurasien, on note une expansion vers l’ouest , à partir de sa dernière zone de répartition naturelle. Ce sont généralement les grands bassins fluviaux qui sont colonisés  :

  • Rhône, Loire, Seine et Garonne (France),
  • Pô (Italie),
  • Ebre (Espagne).

 

ou de grandes retenues : Saint Cassien (Var), Mequinenza (fleuve Ebre).

 

Sur la carte de l’Eurasie sous-jacente, l’échelle des gris va du plus foncé au plus clair, traduisant ainsi l’expansion à partir de la zone naturelle (gris foncé). L’amplification de l’éclaircissement rend compte de la chronologie de ce mouvement.

Depuis la réalisation de cette carte, l’aire de répartition du silure s’est encore agrandie grâce à l’homme, puisqu’il est maintenant présent au Portugal et au Maghreb.

 

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Il faut noter que le silure présente une bonne homogénéité populationnelle européenne ; faible taux de polymorphisme, faible niveau de diversité génétique (Bruslé,et Quignard 2001). Rôle des interconnexions hydrographiques ?

 

 

V ECOLOGIE

 

Le silure est une espèce euryhaline qui se trouve habituellement dans les cours d’eau et les plans d’eau intérieurs. Ponctuellement, il peut aussi fréquenter les eaux saumâtres et marines côtières (mer d’Aral avant son augmentation brutale de salinité, mer Baltique, mer Noire).

Il affectionne le secteur aval des cours d’eau de la zone à brèmes ( Wolter et Bischoff 2001), caractérisé par des eaux calmes , troubles et profondes; les zones d’herbiers et les lacs et retenues à fonds vaseux (Saat 2003).

Il présente également une grande résistance à l’hypoxie (Geistdoerfer et Goyffon 1991). Sa stratégie d’adaptation aux milieux faiblement oxygénés repose sur le maintien d’une très faible valeur de la pression partielle d’O2 dans son sang artériel et sa capacité à augmenter sa ventilation (Massabuau et Forgue 1995).

Le silure glane est présent sous différents climats et supporte une large gamme de température ( 3° C à 30°C ) ce qui en fait une espèce rustique (Schlumberger et al 2001).

Un intervalle de température de 26/27 ° C semble être optimum pour la croissance du silure dans des eaux de qualité (Hilge 1985). Plastique et eurytope, le silure supporte une large gamme de conditions écologiques (Wolter et Vilcinskas 1996).

 

 

VII COMPORTEMENT

 

Le silure est un poisson relativement grégaire, qui vit en petits groupes, surtout pendant sa phase juvénile. Les gros sujets sont solitaires. Les sujets jeunes colonisent la zone lotique, tandis que les adultes colonisent aussi bien la zone lentique que lotique. Peu actif pendant la journée, son activité devient plus marquée la nuit avec des pics au crépuscule et à l’aube (les adultes chassent alors sur les bordures et en surface). Le facteur synchronisateur serait le crépuscule. Il est à noter qu’une crue avec coloration des eaux, entraîne une hausse appréciable de l’activité diurne, y compris en surface. Il préfère les les postes aux fonds encombrés, de préférence en eaux profondes et calmes. Il se déplace au moyen d’une nage ondulante.

 

La position de ses barbillons supérieurs renseigne sur ses dispositions :

 

•                Lorsqu’ils sont perpendiculaires au corps, le poisson est en situation d’attente ou de sommeil,

•                Lorsqu’ils sont pointés vers l’avant, le poisson est en pleine activité olfactive ou en situation d’intimidation (position de dominant dans le groupe);

•                Enfin, lorsqu’ils sont pointés vers l’arrière, le poisson est en position de soumission (ce qui est le cas lorsqu’il est agrippé par la mandibule).

 

Influence des phases lunaires (voir annexe)

 

L’étude de 214 captures de silures réalisées dans les eaux anglaises et françaises, entre 1995 et 1998, rapportées aux phases lunaires présentes au moment de leur capture, permet de constater que :

•                A pleine lune, les possibilités de capture sont sérieusement compromises, même si la lune est cachée par les nuages;

•                Si le dernier quartier de lune se combine à un vent léger et un ciel couvert, nous pouvons prédire une occurrence maximum de captures.

 

La conclusion que l’on peut en tirer est que le silure s’alimente majoritairement à lune décroissante. Ce qui apparaît encore plus clairement lorsque l’on regroupe les captures par phase lunaire.

 

La conjonction avec des levers et/ou couchers de lune et de soleil semble encore amplifier ce phénomène (à proximité immédiate des levers et /ou couchers).

 

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VIII PERCEPTION SENSORIELLE

 

Le silure est l’un des prédateurs les plus sensibles aux stimuli d’origine chimique, c’est à dire aux substances chimiques dissoutes dans l’eau.

Il a été découvert que le silure peut détecter des acides aminés déterminés et d’autres substances à des distances remarquables. Détecter l’aliment par l’utilisation de chémorécepteurs présente un gros avantage. En effet, les stimuli chimiques peuvent être aussi utilisés dans des conditions de faible visibilité, à l’opposé de la vision. Le système de chémorécepteurs utilisé dans la détection de la proie est constitué par le système olfactif et le système gustatif.

Avec le système olfactif, le plus sensible, il est à même de collecter des stimuli chimiques à grande distance. Le système gustatif, au contraire fonctionne avec un rayon d’action plus réduit et sert à compléter l’information à brève distance de la proie.

L’odorat et le goût des poissons fonctionnent en complémentarité dans la mesure où les deux répondent à des stimuli semblables, à savoir  des produits chimiques qui diffusent à travers l’eau.

A titre de comparaison, la capacité gustative et olfactive du silure est 100 000 fois supérieure à celle de l’homme.

Sa perception des vibrations sonores est supérieure à celle de bien des poissons.

La mémoire chimio-tactile et sonore du silure est exceptionnelle. Quelques études ont mis en évidence comment certains silures, pêchés avec un appât déterminé, puis disposés dans un bassin artificiel, ont manifesté de la méfiance en se nourrissant avec la même espèce vivante que celle utilisée comme appât. Le poisson garde la mémoire de la tromperie subie précédemment, augmentant sa ruse et sa méfiance à l’encontre de l’appât.

Comme d’autres Siluriformes ou les requins, le silure détecte passivement les micro-champs électriques émis par les êtres vivants.

Quant à la vue, il semble s’agir du sens le moins performant.

En résumé, le silure possède tout l’équipement nécessaire à la chasse de la nourriture en période nocturne ou milieu opaque ( Todd 1971,Perisyma 1978,Malyukina et Martem’ Ganov 1982). D’une manière plus générale, ces facultés lui permettent de vivre dans un large éventail de biotopes.

 

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1.             L’odorat :

Les espèces prédatrices, telles que le silure, réagissent à une vaste gamme de produits chimiques en provenance de la proie potentielle. La majorité est composée d’acides aminés et d’autres produits organiques tels que bétanine, nucléotides et nucléosides.

De plus, il est prouvé que l’adénosine triphosphate (ATP) transporté dans l’eau, peut stimuler le comportement alimentaire du silure. Fondamentalement, l’ATP est une substance chimique produite dans la cellule et utilisée au cours de la respiration cellulaire, pour transférer l’énergie en provenance de substances énergétiques telles que le glucose, à des réactions réclamant de l’énergie dans le cadre de la vie cellulaire. L’ATP est un composé très instable et sujet à de rapides dégradations et changement, se transformant spontanément en d’autres substances comme l’ADP ou l’AMP. En conséquence, l’ATP dissous dans l’eau, indiquerait aux silures la présence de tissus récemment lésés (blessure), signalant une proie facile. Tandis que la présence d’ADP ou d’AMP dans l’eau signalerait un animal malade ou déjà en décomposition.

Grâce à ses facultés de détection des stimuli chimiques, le silure peut trouver ensuite la source d’une odeur :

•                En eau calme, en nageant dans la direction opposée au gradient de concentration;

•                En eau courante, en nageant toujours et seulement vers l’amont (ce qui est plus facile).

Le silure possède un odorat particulièrement puissant puisque certaines substances peuvent être détectées à des dilutions allant jusqu’à une partie pour 10 billions de parts d’eau. Le silure possède une paire de narine de chaque côté. Elles sont dédiées uniquement à l’olfaction. En forme de U, elles possèdent un orifice d’entrée et un orifice de sortie pour l’eau. Le flux aqueux passe sur un épithélium olfactif dont la surface pelotonnée permet d’augmenter au maximum le nombre de cellules olfactives. Les informations obtenues sont transmises au cerveau par l’intermédiaire du nerf olfactif. Si les informations transmises sont associées à un aliment, le silure suivra l’empreinte olfactive jusqu’à sa source.

A courte distance de la proie, l’analyse olfactive sera affinée par les barbillons.

Il est clair que dans l’eau comme dans l’air, est présent un nombre considérable de signaux chimiques. Certains sont corrélés à l’alimentation, d’autres non.

Le silure analyse ces stimuli en permanence, mais en mode subconscient. C’est seulement quand l’encéphale reçoit une information associée à un aliment que se déclenche l’action. Les humains fonctionnent d’une manière identique dans leur milieu aérien.

 

2.             Le goût :

L’organe du goût est représenté par les bourgeons gustatifs. A la différence de l’être humain qui possède des papilles gustatives seulement sur la langue, le silure possède des bourgeons gustatifs sur tout le corps et majoritairement sur les barbillons et autour de la bouche. Le plus petit des poissons chats possède 250 000 bourgeons gustatifs !  Le silure doit ressembler à énorme langue qui nage!

Ces bourgeons travaillent de concert avec le système olfactif (récepteur d’information à grande distance) : une fois que la source de l’émission chimique repérée se révèle être une ressource alimentaire, elle est analysée du point de vue qualitatif par les bourgeons gustatifs. Grâce notamment à ses grands barbillons, le silure goûte littéralement l’aliment potentiel avant de le consommer. En effet, l’odeur captée  par les narines peut signaler un aliment potentiel dont la qualité finale peut être rejetée par les bourgeons gustatifs. Et ce d’autant plus qu’il a été démontré que chaque espèce de poisson prédateur possède un odorat et un goût légèrement différent. D’autre part, le silure carnivore opportuniste, réagit plus sûrement à des stimuli olfactifs et gustatifs d’origine animale (urine, excréments , hormones ...) plutôt que végétale.

 

3.             L’audition :

La proie potentielle ou les autres silures peuvent être détectés par les émissions sonores qu’ils génèrent.

La pression sonore produite par l’onde sonore (hautes et basses fréquences) est captée par le corps dans son ensemble.

•                Lorsque les vibrations sont assez fortes (hautes fréquences), l’amplification du signal a lieu dans la vessie natatoire, qui agissant en tant que caisse de résonance, transmet les sons à l’oreille interne, via l’organe de Weber ( 3 ossicules dérivant de la première vertèbre et reliant la portion céphalique de la vessie natatoire au labyrinthe de l’oreille interne de chaque côté). Les otolithes vibrent et se déplacent, couchant les cils vibratiles des neuromastes. L’influx nerveux ainsi généré est transmis au cerveau. Des sons dont la fréquence va jusqu’à 13 000 cycles/seconde peuvent être ainsi détectés.

                    

•                L’oreille interne joue également un rôle dans la régulation de l’équilibre et le positionnement spatial du poisson. Elle semble également jouer un rôle dans l’émission de sons (rôle de la vessie natatoire ?).

 

•                Lorsque les sons sont trop faibles pour être perçus par l’oreille interne (basses fréquences), la ligne latérale intervient. Elle est constituée de micropores reliant le milieu externe à un canal sous-cutané situé sous la ligne des pores. A l’intérieur de ce canal se trouvent des organes sensoriels spéciaux, les neuromastes.  Ce sont des cellules sensorielles situés soit dans la ligne latérale soit dans l’oreille interne. A l’intérieur de ces neuromastes, se trouvent des cellules ciliées. Les ondes sonores génèrent des déplacements d’eau qui déplacent les cils. La mobilisation des cils stimule des terminaisons nerveuses qui transmettent l’influx vers le cerveau (le côté orienté vers la source sonore étant plus stimulé que l’autre, le poisson localise la source sonore). Ce système semble surtout utile pour appréhender la proximité immédiate (proies , ennemis , congénères).

 

4.             La perception électrique :

De ses lointains ancêtres siluriens, il y a 420 millions d’années, notre poisson a hérité d’électro-récepteurs, les ampoules de Lorenzini. Elles sont connectées à un pore cutané par l’intermédiaire d’un long canal rempli d’une substance gélatineuse. Toutes ces ampoules, répandues sur tout le corps, particulièrement sur la tête, sont connectées nerveusement de façon à renseigner l’encéphale sur la présence de champs électriques faibles (0,001 microvolt/cm). Grâce à cette structure, le silure est capable de reconnaître un champ électrique ou sa déformation  (les poissons, par exemple sont entourés d’un champ électrique bipolaire détectable par le silure à la distance d’une longueur de proie).

Il peut ainsi :

•                Repérer une proie à partir du champ électrique qu’elle émet;

•                Déterminer la masse corporelle et la position de la proie à partir du courant correspondant à l’influx nerveux nécessaire à sa contraction musculaire.

Cette faculté, peut être particulièrement intéressante, lors de la recherche de proies dans l’eau boueuse ou lors de fouilles dans la vase, en quête de larves ou d’invertébrés.   

 

5.             La vue :

Si l’on s’en réfère à la petite taille des yeux, le très haut niveau de sophistication des autres sens et l’opacité habituelle du milieu dans lequel évolue le silure, elle ne serait pas utilisée pour la détection de nourriture ( Pohlmann,Atema).

Néanmoins, la présence d’

•                Une rétine fournie en quantités égales de grands bâtonnets (vision nocturne) et cônes simples (vision précise, diurne);

•                Un tapetum lucidum (tapis rétinien) facilitant la vision par faible luminosité (même s’il est moins développé que chez le sandre);                  

 

laissent supposer qu’elle doit quand même jouer un rôle (au moins la différentiation jour/nuit). En tous cas, le silure est incapable de voir dans le spectre infra rouge (Pohlmann 2001).

 

 

IX NOURRITURE

 

Lorsqu’il est alevin, le silure a une alimentation comparable aux autres alevins : zooplancton et invertébrés benthiques . En grandissant, la part des poissons augmente pour atteindre son niveau de croisière à l’âge adulte (jusqu’à 98% des proies).

 

A l’âge adulte, il est devenu un prédateur opportuniste , consommant des :

•                Mollusques ( anodontes,vers de terre),

•                Insectes,

•                Amphibiens,

•                Crustacés (écrevisses),

•                Poissons (brèmes Abramis brama,poissons chats Ictalarus melas,gardon Rutilus rutilus,silures),

•                Oiseaux (poules d’eau , canetons,cormorans)

•                Mammifères (rats, jeunes ragondins).

 

Quelques particularités :

•                L’écrevisse américaine (Orconectes limosus) est devenue une proie de prédilection pour le silure glane puisqu’il s’agit d’une espèce nocturne,facile à capturer sur le fond ( Czarnecki et al.2003). De plus, elle procure au silure un apport énergétique et en calcium favorable à sa croissance et l’élaboration squelettique (Chevalier 2004).

•                Dans les fleuves où les muges sont présents en grande quantité ( Loire , Rhône), ils seront recherchés en activement ( Cloux, Duchesne,Fromentin 1966).

•                Adore les vers de terre,

•                Préfère les poissons affaiblis,

•                Semble être nécrophage et moins enclin au cannibalisme que les autres prédateurs (Saat 2003).

                    

La largesse de son spectre alimentaire reflète la diversité des espèces qui peuplent son habitat. Tout l’équipement sensoriel du silure est mis en oeuvre pour localiser et rentrer en contact avec la proie : il la suit littéralement à la trace (Pohlmann,Grasso,Breithaupt , 2001). Les tests montrent qu’il suit la vague  provoquée par le déplacement de la proie potentielle et ce par absence totale de luminosité. La vague est repérée grâce aux stimuli chimiques et/ou aux perturbations hydrodynamiques. Les premiers sont appréhendés par les organes du goût et de l’odorat, les autres par la ligne latérale. L’attaque a généralement lieu par l’arrière, et ce sans que la proie ne s’aperçoive de la présence du prédateur : il ouvre brutalement sa gueule, créant ainsi une dépression qui aspire la proie (il aspire de 10 à 30 litres d’eau). La proie est ensuite broyée par les robustes mâchoires, avant d’être avalée (les dents ne servent qu’à empêcher la proie de s’échapper).

Le silure a un faible pour les proies en mouvement. Par contre, il lui arrive aussi de rechercher des proies inanimées (le goût et l’odorat sont alors mis en jeu).

L’extrême voracité dont on se plaît à affubler le silure est particulièrement infondé puisque les besoins énergétiques varient en fonction de l’âge du poisson :

•                Les silures jeunes et moyens ont un besoin énergétique élevé et peuvent donc consommer des proies dont la masse peut aller jusqu’à 10% de leur poids corporel,

•                Tandis que les adultes, aux besoins énergétiques moindres se satisfont de 2 à 3% de leur poids corporel.

 

Dans le fleuve Pô (Italie)  97 silures ont été prélevés (les silures du Pô ont une activité tout à fait comparable à celle des silures des grands fleuves français).  Leur longueur se répartissait de 5 à 116 cm. Seulement 65 sujets avaient l’estomac plein (67%). Le classement en fonction de la présence ou l’absence de poissons dans l’estomac, permettait de répartir les sujets en deux groupes . L’autre caractère remarquable est que les silures du premier groupe (absence de consommation de poissons) avaient une taille inférieure à 32 cm. La répartition de leur contenu stomacal s’établissait ainsi :

 

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Après, il ne lui reste plus qu’à digérer. La durée de la digestion est fonction de la température de l’eau.

 

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Il en ressort qu’en été, le silure n’a besoin que d’un seul repas quotidien au maximum.

 

 

 

X CROISSANCE

 

Le silure est un poisson à croissance rapide : 2 à 3 kg /an pour les premières années.

A 5 ans, il mesure 70 cm pour 8 kg et 120 cm pour 20 kg à 10 ans. A l’opposé, les gros de 100 kg + mesurent un peu plus de 2, 40m.

Un silure adulte mesure plus de 80 cm.

 

Avec les années, il semble que la croissance pondérale devienne prépondérante par rapport à la croissance en taille : entre 2 m et 2,50 m de long, le poids augmenterait des 2/3 contre 25% pour la taille.

 

Des spécimens de 200 kg pour 3 m de long ont été capturés dans le lac Balaton et le Danube.

Ce qui ne manque pas d’interroger à propos du “record du Dniepr” de 300 kg pour 5 m ! Il était bien maigre , et devait plus ressembler à un grosse anguille !

 

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Mais bien sur, tout dépend des conditions prévalentes dans le milieu de vie.

La longévité du silure va de 15 à 20 ans, avec des cas exceptionnels de 40 ans.

Il semble que la croissance exceptionnelle du silure soit également due à son alimentation très majoritairement piscivore à l’âge adulte. En effet, le rendement énergétique de la digestion des tissus est plus performant lorsqu’il se fait à partir de tissus provenant d’animaux taxonomiquement proches ou semblables.

 

 

 

XI REPRODUCTION

 

Atteint la maturité sexuelle entre 3 et 5 ans. La reconnaissance des sexes est possible par une inspection externe .silure8_s.jpgà la recherche de caractères sexuels secondaires :

 

•                Papille uro-génitale :

•                Chez la femelle, la papille génitale est plus grande et de forme conique;

•                Chez le mâle, la papille est plus petite et allongée.

•                Petits tubercules sur les rayons osseux de la nageoire pectorale:

•                Bien développés chez le mâle,

•                Pratiquement absents chez la femelle.

 

  

Le silure effectue une migration de pré frai au début du printemps de la zone lotique vers la zone lentique près des berges (température 8/10°C) Le frai a lieu au printemps lorsque la température de l’eau atteint 20°C dans un nid de débris végétaux réalisé près des berges par le mâle (racines). Dans les plans d’eau, cette migration vers les affluents n’a pas lieu si les conditions locales sont favorables.

La compétition pour les frayères est très vive entre les mâles, ce qui peut entraîner des blessures importantes. Le frai a lieu généralement la nuit.

La femelle pond des ovocytes de 3  mm de diamètre (20 à 30 000 / kg de poids). La viscosité des œufs fertilisés leur assure une bonne adhérence aux éléments constitutifs du nid. Le mâle ventile les œufs avec sa queue et protège le nid jusqu’à l’éclosion qui a lieu 50 à 70 degrés-jours plus tard (2,7 jours pour une température aquatique de 22°C).

 

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Les larves, photophobes, semblables à des têtards de grenouille mesurent 6,5 mm de long. Dès l’éclosion, elles sont adhérentes aux matériaux du nid grâce à une glande céphalique adhésive provisoire. Les alevins commencent à nager et à s’alimenter 4 à 5 jours plus tard  (Barla 1998). Le mâle abandonne alors le nid.

Au bout d’un an, ils mesurent déjà une vingtaine de centimètres. Tous n’atteindront pas l’âge adulte.

 

 

 

XII COMPETITION ENTRE ESPECES

 

Les espèces qui viennent à l’esprit sont le brochet Esox lucius et le sandre Stizostedion lucioperca  (black bass Micropterus salmoides ?).

 

En ce qui concerne la reproduction, elle est bien différente:

•                Brochet, fin de l’hiver, eau à 8/10°C sur des hauts fonds riches en végétaux (prairies inondées);

•                Sandre,mars/avril ,eau à 12°C , zone profonde;

•                Silure, printemps, eau 23°C sur des hauts fonds avec racines et cavités.

Au stade juvénile, les brochets et silures recherchent leur nourriture,solitaires, dans les milieux denses en végétation. Les sandres vivent en bancs en milieu ouvert. Compte tenu de la différence de milieux prospectés et des différences dans les dates d’éclosion, le risque semble bien faible.

Au stade adulte, ces 3 poissons sont devenus essentiellement ichtyophages.

Si l’on considère leurs rapports dans l’aire de distribution naturelle du silure :

•                Le brochet et le silure ont une alimentation comparable (Orlova et Popova 1976,Omarov et Popova 1985);

•                Le brochet chasse à l’affût de préférence à l’aube et au crépuscule, à proximité des berges, s’alimente à des températures inférieures à 8/10°C,avec un pic de consommation automnale.

•                Le sandre consomme un éventail de proies plus petit que le silure (absence de mammifères), et elles sont plus petits.

•                Le silure consomme peu de brochet, par contre la prédation exercée sur le sandre peut être plus importante (jusqu’à 18% des proies) , ce qui s’explique par le fait que

•                le sandre a lui aussi une activité nocturne prépondérante,

•                le silure attaque essentiellement des proies en mouvement,

                    ( ce phénomène se retrouve aussi sur l’anguille et l’écrevisse).

Néanmoins, les populations piscicoles de ces trois espèces dans leur milieu naturel ne semblent pas présenter un quelconque déséquilibre. Il en est de même pour les études concernant la Seille et le Rhône (rôle régulateur de la pression de pêche?)

Enfin, il est à noter que le silure n’est le vecteur d’aucune pathologie spécifique, contrairement au sandre, vecteur de la bucéphalose.

 

Le black bass présenterait une vulnérabilité potentielle en été lors de son activité nocturne sur les hauts fonds (?)

 

Il semble que le brochet puisse être un prédateur actif du silure (Russie).

 

 

 

XIII LES QUATRE SAISONS DU SILURE

 

Le calendrier du pêcheur n’est pas parsemé de dates précises, c’est la température de l’eau qui en agissant sur le métabolisme du poisson, détermine les périodes alimentaires.

Ce phénomène est plus marqué chez le silure, espèce d’eau chaude. Pour le silure, l’optimum thermique, à savoir la zone de confort thermique de l’eau est élevée. 

 

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Le silure sort de la léthargie hivernale quand l’eau s’approche de 8°C. Son estomac est vide, ses réserves de graisse sont épuisées et il est pressé de préparer le prochain frai.

Ceci est particulièrement vrai pour la femelle qui veut augmenter la quantité d’œufs qu’elle porte. Malgré une eau encore fraîche, (8/11°C), la première grosse proie finit dans la gueule de notre prédateur, notamment pendant les crues du fleuve qui troublent l’eau.

Quant le fleuve est normal, le silure préfère attendre la proie sur le fond, par eau de moyenne profondeur, où les variations thermiques de cette période sont moins marquées, plutôt que de chasser en surface. Quand l’eau atteint les 17°C, le ventre de la femelle s’arrondit, rempli par les très nombreux œufs. Evitons de pêcher le silure en cette période, laissons le se concentrer sur son frai.

 

Après le frai, le silure a très faim. La perte calorique provoquée par un accouplement difficile et agité, doit être compensée au plus vite. Tâche point trop compliquée, dans une eau ainsi réchauffée. La digestion est très rapide et l’estomac absorbe à toute vitesse les substances nutritives à intervalles rapprochés. L’activité est nocturne, essentiellement concentrée en surface et sur les hauts fonds.

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Quand la température aquatique redescend sensiblement sous les 22° C, l’organisme du silure se prépare peu à peu à l’hiver qui s’annonce en récupérant une couche de graisse supplémentaire. Malheureusement pourtant, les basses températures rendent le poisson souvent lunatique. Par dessus tout en cas de brusque chute de la température de 2°C qui entraîne une inactivité de plusieurs jours. Pourtant, l’organisme ressent le besoin d’enrichir encore un ventre bien plein, et c’est dans ce cas que l’on peut parler de silure bien gras. C’est pendant ces jours, jusqu’à une semaine, que les captures peuvent être fantastiques. Plus la température baisse, plus les chasses collectives se font rares. Quand elle atteint 10°C, seuls quelques individus gigantesques sont encore en activité  dans les fosses profondes. C’est à cause de cette frénésie alimentaire que l’automne est pendant 2 ou 3 semaines, une  des meilleures périodes de l’année pour la pêche. Cependant, à cause des caprices météorologiques, ces périodes restent bien souvent imprévisibles.

 

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Si la température de l’eau tombe sous les 8°C, le silure observe une activité réduite au minimum, reposant sur le fond sans bouger. Ses principales réserves caloriques sont sacrifiées seulement à l’ouverture et la fermeture des branchies pour respirer. Il ne bouge pratiquement plus de l’endroit où il se trouve, seul un brusque changement d’eau causé par une crue peut l’y contraindre. Dans de telles circonstances, les possibilités de capture sont évidemment réduites. Toutefois pendant ces mois les plus froids de l’année, on assiste dans certains endroits à des rassemblements massifs de silures (Pô, Saône).

Les réchauffements de l’eau provoqués par les effluents des centrales électriques en maintenant l’eau des fleuves au dessus de la température fatidique de 10°C, soutiennent également l’activité des silures.

 

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XIV UTILITE

 

Le silure peut présenter une utilité non négligeable :

•                Pêche sportive avec tout son corollaire de dépenses induites (déplacements, hébergement, guidage, matériel);

•                Maintien d’une biodiversité riche en limitant les espèces trop dominantes, la présence du prédateur permettant la coexistence d’un plus grand nombre d’espèces (cas des lacs du Bois de Boulogne où son introduction a permis de rétablir la biodiversité piscicole en 3 ans );

•                Régulateur dans la gestion des étangs et plans d’eau : élimination des poissons malades ou affaiblis (Bruslé et Quignard 2001);

•                Elimination de nuisibles (écrevisse américaine, poisson chat ,perche soleil Eupomictis gibbosus, cormorans) dans les cours et plans d’eau;

•                Nourriture humaine et animale, son élevage (siluriculture) commençant à se développer en France (200 tonnes /an) .Il fournit une chair blanche , ferme , un peu grasse,sans arêtes et valable sur le plan organoleptique et énergétique ( protéines : 16,5 à 19%,lipides 2 à 10%, valeur énergétique : 160 kcal/100g). Son élevage permettrait peut-être de limiter les importations de siluriformes asiatiques (Pangasus), surtout qu’il existe déjà un marché pour le silure glane en Europe Centrale. Les jeunes sujets sont les plus aptes à la consommation humaine (moins de 15 kg). La production d’individus triploïdes permet l’obtention de sujets à chair moins grasse et stériles, mais si l’on se réfère aux problèmes rencontrés avec les saumons, il faut à tout prix éviter tout contact avec le milieu naturel.

•                Lutherie où sa peau est utilisée pour la confection de la table d’harmonie du kamantcha (vièle à pique à quatre cordes d’origine perse, utilisée à travers tout le Caucase). La température et l’hydrométrie en font varier la tension.

 

XV PROTECTION

 

1.             Le silure est classé comme une espèce indigène aux eaux françaises, ce qui rend possible les déversements non contrôlés.

2.             La convention de Berne (1979 ) a pour but d’assurer la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe par une coopération entre états signataires. Silurus glanis et silurus aristotelis sont inscrits dans son annexe III (espèces de faune protégées) . En vertu de l’article 7, les espèces de faune énumérées à l’annexe III, doivent être protégées, mais une certaine exploitation est possible si le niveau de la population le permet. La France a ratifié cette convention en 1990.

 

 

 

XVI BIBLIOGRAPHIE

 

Animal diversity web, University of Michigan museum of zoology (

http://animaldiversity.ummz.umich.edu/site/ )

Belgian Catfish Group (www.silure.be)

Catfish Billy’s Big Cat Diaries (www.bigcatdiaries.com )

Conseil Supérieur de la Pêche ”Le silure” fiches des espèces (site web en reconstruction)

Eaufrance ,l’eau dans le bassin Rhône-Méditerranée (

www.rhone-mediterranee.eaufrance) 

Fishbase (www.fishbase.org)

French.silurus (www.frenchsilurus.fr)

Frey A “ Mise en place du suivi de la carpe (Cyprinus carpio) et du silure (Silurus glanis) sur le secteur parisien de la Seine”, rapport de stage Master première année EA, (2006-2007) .

Gauyacq O “ La deuxième catégorie”

Gruppo Siluro Italia (www.grupposiluro.it)

La bouillette (www.labouillette.com )

Nepveu C “ Espèces animales et végétales susceptibles de proliférer dans les milieux aquatiques et subaquatiques, fiches espèces animales” Agence de l’eau Artois Picardie, 2001-2002

New World Encyclopedia” Catfish” (www.newworldencyclopedia.org )

Pohlmann K, Grasso F W, Breithaupt T “ Tracking wakes : the nocturnal predatory strategy of piscivorous catfish”  university of California at San Diego, La Jolla,CA; 2001 : april

Schlumberger O, Sagliocco M,Proteau JP “ Biogéographie du silure glane (Silurus glanis): causes hydrographiques,climatiques et anthropiques” , CEMAGREF ,2000 : oct

Scotcat “Silurus glanis” (www.scotcat.com)

Sea-river “Le silure” lettre n°10, 2001: 11/17 juin (www.seariver.com )

Siluremania (www.siluremania.fr)

Siluremax (www.siluremax.fr )

Silurusglanis (www.silurusglanis.fr )

Wikipedia “Catfish” (www.wikipedia.org)

Wikipedia “ Wells catfish” (www.wikipedia.org )

Tixier P “ Le silure glane (silurus glanis L.) : biologie,colonisation et impacts”, maîtrise de biologie , université Paris V, 1998

 

XVII ANNEXES

 

Captures silure/phase lunaire (paragraphe VII)

 

 silure14.jpg

 

 

(n= 214, p< 0,001)

Publié dans rubrique technique

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E
<br /> Vraiment un superbe article...!!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> pas mal du tout les renseignements.j'ai des efforts a faire sur mon blog.<br /> <br /> <br />
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